Les voiles classiques, toute une histoire...
Retour vers le passé
Septembre 2020, l’élégante silhouette de Mariquita se profile en rade de Brest. Le célèbre plan Fife venait d’être acheté par Benoit Couturier, collectionneur de voitures et amoureux du beau, de l’authentique.
Quelques mois plus tard, les deux Moonbeam rallient à leur tour le port breton : le Team Fife vient de voir le jour. Benoit Couturier souhaite en effet créer une dynamique, à Brest, autour du yachting classique.
Les armateurs de ces trois monuments souhaitent que leurs voiliers retrouvent, de façon très fidèle, leurs panaches originels. Chaque équipement devra être le plus proche possible de ce qui se faisait autrefois, à commencer, bien sûr, par les voiles…
« L’équipe d’Incidence réalise un travail exceptionnel »
Les propriétaires des plans Fife, Mariquita, Moonbeam et Moonbeam IV, ont choisi la voilerie Incidence pour renouveler les jeux de voiles de leurs superbes yachts du début du siècle, avec un cahier des charges extrêmement exigent en termes de recherche d’authenticité.
« L’équipe d’Incidence est motivée et réalise un travail exceptionnel », souligne Benoit Couturier, propriétaire de Mariquita.
Enquête d'authenticité
Benoit Couturier, propriétaire de Mariquita : « Nous avons mis Incidence en concurrence avec la voilerie Ratsey & Lapthorn.
Au vu des échantillons produits, des possibilités de la voilerie et avec la garantie qu’Incidence créerait un département »Voiles Classiques », nous avons fait affaire ensemble.
Nous avons alors commencé ce travail de recherche d’excellence, avec des exigences pointues et particulières. »
Jacques Caraës, en charge des trois plans Fife : « L’équipe d’Incidence s’est mobilisée autour de ce projet : ils ont su redonner vie à des savoir-faire ancestraux et le rendu est tout à fait à la hauteur de nos espérances. Le tissu, la couleur, les coutures, les renforts, les œillets cousus : c’est un très, très beau travail. Nous allons avoir de très belles voiles. »
Avoir la fibre
Stéphane Delanoë, responsable d’Incidence Brest : « C’était un superbe challenge à relever, aussi exigeant que motivant.
Nous fabriquons des voiles de bateaux classiques et de vieux gréements depuis toujours : Karenita, les Moonbeam, Viola, Pen Duick, l’Etoile, la Belle Poule et le Mutin, la Recouvrance, les coquillés de la rade de Brest…
Les savoir-faire ancestraux des maîtres voiliers sont transmis en interne depuis des années. Ralinguer une voile à la main, créer une patte à cosse… nous savons faire. »
« Nous avions donc les ressources internes, mais la philosophie de ce nouveau projet était d’une exigence particulièrement élevée en termes de recherche d’authenticité. Pour ça, il faut aimer ce genre de bateau, avoir la fibre… »
Si on n’est pas 100% satisfaits, on défait et on recommence
Cette fibre, cette envie, a été galvanisée par cette recherche de perfection : « Dans notre phase de tests, lorsque nous n’arrivions pas au résultat escompté, tout le monde se mobilisait. »
Impossible en effet d’échouer pour un détail, même infime. Et pas question de laisser passer la moindre imperfection.
« Alors, à chaque fois, en équipe, nous avons cherché, trouvé, peaufiné. Il s’agit vraiment de haute couture, de sur-mesure. Tout le monde ici adhère à cette façon de travailler. Si on n’est pas 100% satisfaits, on défait et on recommence. »
Ce défi nous tire tous vers le haut
Dès le lancement de ce projet, l’équipe d’Incidence s’est lancée dans une recherche de documents d’époque afin de dénicher de précieuses informations sur les matériaux et équipements utilisés au début du siècle dernier lors de la conception de ces bijoux du patrimoine maritime.
Un solide travail d’équipe s’est mis en place : « il y a eu beaucoup de pression, et il y en a encore, mais ce défi nous tire tous vers le haut. C’est du beau travail. »
Benoit Couturier : « Ce qui m’a guidé dans mon choix de la voilerie, c’est la promesse d’Incidence de réaliser des voiles absolument comme à l’origine. Ainsi, par exemple, pour les spinnakers, autrefois, pour teindre le tissu, on trempait les rouleaux de tissu à spi dans des bains de teinture. Au début du rouleau c’était bien foncé et, à la fin, c’était clair. Au final, cela faisait des spis avec des laizes foncées et des laizes claires ! J’ai demandé à l’équipe d’Incidence de refaire ça. Nous allons être les seuls au monde avec des spis exactement comme à l’origine, avec des laizes de teintes différentes !
Je viens régulièrement à la voilerie, je contrôle, et je n’ai jamais rien eu à dire. C’est la découverte de la perfection. L’équipe d’Incidence est motivée. Ils réalisent un travail exceptionnel.
Le jeu de voiles de Moonbeam IV sera l’un des plus beaux du circuit, d’autant qu’il sera homogène, puisque c’est l’intégralité du jeu de voiles qui est en cours de réalisation à Brest, soit 15 voiles. Cela n’arrive jamais.
On fait dans la perfection, dans le respect de l’historique et on fait aussi dans la cohérence. »
Des détails de taille
Le tissu
Le coton qui constituait les voiles des yachts du début du siècle dernier n’est plus fabriqué. L’équipe d’Incidence s’est donc tournée vers du Dacron, qu’elle utilise déjà pour toutes ses voiles classiques, « mais nous avons sélectionné un Dacron le plus souple possible, de façon à ce qu’il se rapproche le plus possible des caractéristiques du coton et que le bateau retrouve ainsi son comportement d’autrefois. L’objectif n’étant pas la surperformance, mais l’authenticité », précise Stéphane Delanoë.
Tous les fournisseurs ont été interrogés, de nombreux échantillons ont été étudiés et travaillés. Une sélection a été présentée à Messieurs Couturier et Caraës.
La teinte du tissu
Après un méticuleux travail de documentation, l’équipe d’Incidence a défini une teinte bien précise. Ni trop claire, ni trop jaune, ni trop marron…
« Il y a eu de nombreux échanges avec notre partenaire, fournisseur de tissu sélectionné, nous nous sommes ensuite assurés qu’il serait en mesure de reproduire cette teinte sur la quantité voulue. Ce travail sur la teinte a débuté en septembre 2021, avec des rencontres à Amsterdam et à Paris, les commandes ont été passées en décembre. » Le tissu a été livré en février 2022.
L’outillage
Grâce aux documents d’époque qu’elle a recueillis, l’équipe de la voilerie a pu identifier des équipements et outillages utilisés par les maître voiliers de l’époque qu’elle a dû fabriquer pour obtenir le rendu d’autrefois.
« Par exemple, pour réaliser un œillet cousu élégant et solide, il faut des cosses que l’on ne trouve plus aujourd’hui. Nous avons donc décidé de les fabriquer nous-même. »
Ainsi, l’ensemble du matériel utilisé pour fabriquer ces voiles classiques a été conçu spécialement, en interne, pour elles.
L’accastillage
La voilerie travaille avec une fonderie d’art basée dans le pays brestois. « Il confectionne les moules des pièces, sur nos plans. Nous pouvons ainsi proposer des pièces qui ne se font plus. Nous discutons ensemble de l’utilisation de la pièce, de l’alliage le plus adapté, de la rugosité recherchée, de l’aspect esthétique souhaité. Ensuite il met tout son savoir-faire et son amour du métal pour réaliser nos mini-séries.
Tous ces échanges sont enrichissants, passionnants. »
Les cordages
Là encore, l’ensemble des fournisseurs a été interrogé. Des cordages ont été échantillonnés et testés de façon réunir à la fois de bonnes caractéristiques mécaniques, mais aussi bien sûr le rendu esthétique du chanvre d’autrefois. « Cette matière première est ensuite retravaillée à la voilerie en fonction des ralingages ou renforts à réaliser. »
Le cuir
« Cela n’a vraiment pas été simple : trouver la bonne épaisseur, le bon traitement, la bonne couleur. Nous avons longtemps cherché, partout… pour finalement trouver le matériau parfait chez notre voisin gréeur : un cuir épais, résistant, de la bonne couleur et de fabrication Française ! »
Les recherches préalables ont été enrichissantes et ont conforté l’équipe dans son choix final.
Les coutures
Les coutures doivent être absolument droites. Un millimètre de biais dans les zigzags avec du fil marron sur le tissu blanc cassé, sur 20m de long, ça se voit tout de suite.
« Nous avons donc peaufiné notre technique, notamment avec Sébastien Fustec et fabriqué des petits outillages qui permettent de caler les machines. Mais ce sont le talent et l’envie de bien faire des couturières et des couturiers qui font le reste ! »
Les polices des numéros de voile
Des recherches ont été menées pour retrouver les polices utilisées pour les numéros des premières voiles de Mariquita et des Moonbeam.
Le logo
A la demande des armateurs de ces Yachts Classiques, la voilerie s’est dotée d’un logo, dans l’esprit du siècle dernier, qui s’accordera à l’esthétisme et à l’authenticité de ces unités de légende.
Jacques Caraës : « Le rendu est tout à fait à la hauteur de nos espérances »
« Avec Benoit Couturier, nous avons choisi de faire fabriquer les voiles en France, pour la proximité et parce qu’il y a un vrai savoir-faire ici, notamment chez Incidence.
Nous avons défini un cahier des charges avec des exigences particulières en termes de qualité, ce qui a été très bien compris par Stéphane Delanoë. Benoit Couturier est très exigeant en termes d’esthétique : qu’il s’agisse du choix du tissu, des finitions… Les œillets doivent être cousus et pas emboutis, par exemple. Nous souhaitons vraiment une fabrication à l’ancienne qui fasse appel aux équipements et aux méthodes d’autrefois.
L’équipe d’Incidence s’est mobilisée autour de ce projet : ils ont su redonner vie à ces savoir-faire ancestraux. Et le rendu est tout à fait à la hauteur de nos espérances.
Ce que j’ai vu sur le plancher correspond bien au cahier des charges que nous avions défini ensemble. Le tissu, la couleur, les coutures, les renforts, les œillets cousus : c’est un très, très beau travail. Je pense que nous allons avoir de très belles voiles. »
Les Ateliers de l'Enfer
Un noyau dur, constitué de Stéphane Delanoë, Jérémie Guillermou et le dessinateur Jean-Baptiste Péron a réalisé un long travail de documentation, d’échantillonnage, de tests, d’échanges avec les fournisseurs, les propriétaires et Jacques Caraës, skipper de ces voiliers.
Stéphane Delanoë : « C’était vraiment riche de partager avec tous ces experts. Et puis, en interne, cela nous a permis de croiser nos savoir-faire : nous sommes plusieurs à être issus des Ateliers de l’Enfer à Douarnenez : Marie, Jérémie, moi… Nous avons eu le même formateur, Louis-Michel Le Dose, un passionné des techniques ancestrales des maîtres voiliers.
Nous avons réuni nos connaissances, nous nous sommes mis d’accord sur des techniques et nous avons fait des essais. Jérémie a cousu, défait, refait…
Ça parait tout bête un œillet cousu main, mais pour qu’il soit à la fois solide et beau, rond et équilibré, il faut trouver comment l’ajuster pour que la cosse reste bien en place pendant la couture, et que la couture apparaisse suffisamment sans être trop volumineuse de façon à ce que rien ne s’accroche dedans.
Nous partageons et surmontons nos difficultés ensemble. C’est un beau travail, valorisant et fédérateur pour toute l’équipe. Il faut avoir une passion pour ce genre de bateau et envie de partager au sein d’un même projet. »